J. Cherhal / La station

La plus longue chanson de Cherhal (près de sept minutes) et sans doute celle qui permet le mieux d'approcher le cheminement de la création artistique et la fonction essentielle qu'elle revêt dans sa vie. Partant d'un souvenir d'enfance (son père était plombier et s'arrêtait parfois en famille à la station d'épuration locale), elle en profite pour avouer la jubilation que ces visites provoquaient et enchaîner par des mots édifiants sur l'estime qu'elle avait alors d'elle-même ("Devant les eaux stagnantes / Je me sentais vivante / Dans l'odeur de moisi / Je me trouvais jolie"). Cette trouble fascination se répercute dans la présent par "un amour / Pur et immodéré" pour la pratique de la plomberie, dans laquelle il n'est pas difficile de deviner un besoin vital de purification et le rôle de catharsis que joue la chanson dans ce processus en sublimant le laid en beau (cf. Douze fois par an). Ces confidences sont livrées avec une rigueur d'écriture toute classique et sur un rock lent, grave et solennel, une manière de sacraliser l'étrange conte de fées qui a bercé l'enfance de l'auteure et qui continue à la hanter.