JE SUIS LIQUIDE

Paroles Jeanne Cherhal
Musique Jeanne Cherhal
Interprète Jeanne Cherhal
Année 2006

Le premier volet du triptyque féministe dispersé au fil de L'eau s'en prend aux schémas de pensée que les hommes imposent aux femmes depuis la nuit des temps pour justifier leur domination ("Non je ne suis pas forte" ; "Non je ne suis pas grande" ; "Non je ne suis pas solide" ; "Non je ne suis pas belle") avec ce son pop qui imprègne l'album et qui se manifeste notamment ici par un "non" murmuré une bonne centaine de fois en guise de final.

CHASSEURS-CUEILLEURS : L'ÂGE D'OR PERDU ?
(L'Histoire n°492 ; Christophe Darmangeat ; février 2022)

Si elles n’avaient rien d’un enfer, les sociétés de chasseurs-cueilleurs du Paléolithique n’étaient probablement pas un havre d’abondance, de paix et d’égalité entre les sexes.

On a longtemps considéré que les sociétés de chasseurs-cueilleurs mobiles, qui ont représenté l’essentiel de l’histoire humaine, se trouvaient à la limite perpétuelle de la survie. Leurs membres, menacés par la faim, auraient passé l’essentiel de leur temps à tenter de subvenir à leurs besoins. Cette très faible productivité était aussi censée expliquer l’absence de classes sociales : parvenant à peine à se nourrir, un être humain ne pouvait guère entretenir quelque exploiteur que ce soit.

Cette vision fut contestée par Marshall Sahlins dans Age de pierre, âge d’abondance en 1972. En s’appuyant sur quelques cas ethnographiques, celui-ci affirmait que les chasseurs-cueilleurs disposaient de larges temps de loisir. Ne désirant pas sans cesse accumuler de nouveaux biens, ils subvenaient à leurs besoins avec un temps de travail très réduit. Loin d’être marquées par la pénurie, leurs sociétés connaissaient une authentique abondance.

En réalité, l’économie des chasseurs-cueilleurs reste très mal connue : ceux qui ont été observés par les ethnologues étaient souvent déjà très influencés par la proximité de sociétés techniquement plus avancées. Par ailleurs, s’agissant en particulier des chasseurs-cueilleurs du passé, leurs situations étaient extrêmement diverses en fonction de leur environnement. Les éléments dont on dispose (notamment quelques données chiffrées sur les San d’Afrique australe, sur les Aborigènes australiens et sur quelques peuples d’Amazonie) indiquent toutefois que les tâches nécessaires à la vie, sans engloutir l’intégralité des heures disponibles, étaient loin d’être négligeables. En outre, la plupart des groupes humains subissaient de temps à autre des crises d’approvisionnement qui s’ajoutaient à la très forte mortalité infantile.

En France, s’est peu à peu imposée l’idée que les sociétés de chasseurs-cueilleurs ignoraient la guerre qui ne serait apparue qu’avec le Néolithique et, surtout, l’Age des métaux (en Europe, à partir de 2300 av. n. è.). Cette vision s’appuie sur trois arguments. Le premier est ethnologique : les chasseurs-cueilleurs observés à l’Époque moderne ne faisaient pas la guerre. Le deuxième est sociologique : de telles sociétés, dépourvues de structures politiques et de richesses, n’ont ni moyen ni raison d’user de la violence à grande échelle. Le troisième argument, enfin, est archéologique : les possibles traces de guerre sont rares ou inexistantes ; les massacres collectifs ne deviennent visibles que pour des populations néolithiques, et les armes de guerre spécialisées n’apparaissent qu’à l’Age du bronze.

En réalité, la guerre existait bel et bien chez certains chasseurs-cueilleurs. On l’observe par exemple chez les Aborigènes d’Australie. Ensuite, on peut mener des guerres dans de tout autres buts que ceux de nos propres sociétés. Indifférentes à la richesse et dépourvues d’organisations politiques formelles, les sociétés de chasseurs-cueilleurs pouvaient, comme en Australie, faire la guerre afin d’exercer une vengeance sans limites contre un groupe réputé hostile. En pareil cas, la guerre représente une extension de la justice. Mais la guerre pouvait aussi avoir pour objectif de se procurer des substances vitales réputées utiles à la croissance des adolescents ou des végétaux – le plus souvent, des têtes humaines. L’absence de traces archéologiques, enfin, doit être considérée avec prudence : dans ces sociétés, de tels événements ont fort peu de chance de laisser quelque trace que ce soit.

La place (controversée) des femmes

On lit également souvent que la domination masculine aurait été une innovation tardive ; les femmes auraient ainsi occupé dans les sociétés du Paléolithique une place respectée, voire prééminente – une thèse défendue, par exemple, dans le récent livre et documentaire Lady Sapiens. Il existe certes des tribus de cultivateurs – dont les Indiens Iroquois – ou de chasseurs-cueilleurs, chez qui les femmes jouissaient d’un statut favorable. Mais bien plus nombreux sont les peuples où elles subissaient une domination plus ou moins franche et organisée. En Amérique du Sud ou en Océanie, celle-ci s’appuyait sur une religion terrifiante, dont les secrets étaient interdits aux femmes et aux enfants sous peine de mort.

Quant aux mythes d’un matriarcat primitif, il serait bien imprudent de croire qu’ils possèdent un fondement historique. Bien plus que du passé dont ils font état, les mythes nous informent de la société qui les transmet. Ils mettent en scène un ordre du monde inversé qui a conduit à une catastrophe et a dû être renversé, révélant avant tout la volonté de légitimer la domination masculine.

Enfin, les représentations féminines retrouvées en archéologie, dont les statuettes, n’expriment pas nécessairement la vénération de principes féminins, voire une religion vouée à une hypothétique « Grande Déesse ». Bien d’autres hypothèses sont possibles, à commencer par le constat banal que toutes les sociétés dominées par les hommes ont figuré les femmes en soulignant leurs attributs sexuels.

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