CÉSAR
Paroles | Jeanne Cherhal | |
Musique | Jeanne Cherhal | |
Interprète | Jeanne Cherhal | |
Année | 2019 |
Deuxième chanson de l'album L'an 40, après Ton souvenir me prend ce soir, dont l'origine est facile à identifier : Cherhal y exorcise le malaise de ne pas avoir été "de celles / D'où jaillit la vie universelle" lors de la naissance de son fils par césarienne en exaltant cette venue au monde où il a fallu "seconder la nature" par un flot de métaphores où un amour maternel quelque peu excessif ("Il est né le divin enfant"...) n'hésite pas à emprunter aux domaines artistiques, mythologiques, religieux et politiques, le tout sur fond de minimalisme répétitif, développé notamment dans un final de plus d'une minute au début duquel retentissent les battements de cœur du nouveau-né.
ROME : LA SAGE-FEMME ET LE NOURRISSON
(L'Histoire n°286 ; ; Catherine Guigon ; avril 2004)
César n'est pas né par césarienne, contrairement à ce qu'on pourrait croire... C'est l'un des nombreux enseignements d'une étonnante exposition, à Dijon, sur la maternité dans l'Antiquité romaine.
Être enceinte et donner la vie ne va pas sans grands dangers pour les femmes dans l'Antiquité romaine. Mais il est du devoir des épouses légitimes de mettre au monde des enfants, surtout des fils, pour assurer l'avenir de la gens, la famille, et la prospérité de Rome. Si bien que la médecine, confrontée à toutes les complications possibles de la grossesse et de l'accouchement, s'est intéressée de près à l'obstétrique. Cette discipline a fait l'objet de plusieurs traités, rédigés notamment par Soranos d'Éphèse, un médecin installé à Rome au IIe siècle ap. J.-C. sous le règne des empereurs Trajan et Hadrien.
Enrichi par les découvertes de l'iconographie et de l'archéologie, ce savoir fait aujourd'hui l'objet d'une étonnante exposition sur les « Maternité et petite enfance dans l'Antiquité romaine » (1). Où l'on découvre que la naissance d'un bébé n'est pas forcément un heureux événement...
« La grossesse est un état que les femmes doivent subir, presque comme une longue maladie » , explique l'un des commissaires de l'exposition, Danielle Gourevitch, directeur d'études à l'École pratique des hautes études et historienne de la médecine. « Pour les aider à traverser l'épreuve, Soranos leur prodigue des conseils, pour certains déjà très modernes. »
Pas question, par exemple, que la femme enceinte mange pour deux ou qu'elle s'adonne à des exercices trop violents qui pourraient « décrocher » le fœtus. Mais « elle se promènera, en prenant son temps », précise le médecin. Ce dernier sait également se montrer conciliant en cas d'envie particulière et autres troubles du comportement alimentaire. L'important est de « surveiller l'accroissement du ventre et voir s'il présente quelque signe d'une prochaine délivrance ».
Le moment venu, une sage-femme se rend au domicile de la parturiente la femme qui accouche, sauf dans les familles très riches où elle vit à domicile. « C'est déjà une véritable technicienne », précise Danielle Gourevitch. La sage-femme est soignée ; elle porte un tablier et ses ongles sont coupés court.
Elle transporte avec elle le matériel nécessaire à l'accouchement : des éponges, des linges, des huiles et surtout le siège obstétrical, car la future maman donne la vie assise. Ce siège est percé et doté de poignées qui permettent à la parturiente de s'accrocher pendant l'effort.
Si l'enfant se présente bien, la tête la première, la sage-femme guide l'expulsion d'une main soigneusement huilée. Puis, elle coupe le cordon ombilical et examine le nouveau-né : cris, mimiques et teint clair sont signes de bonne santé. Elle lui donne alors son premier bain, décapant le nourrisson avec « du sel fin, pulvérulent » et le rinçant à l'eau tiède.
Puis elle l'emmaillote comme une momie, jambes et bras pris dans les bandelettes pour éviter toute déformation de ce petit corps jugé « mou ». Le bébé n'aura plus qu'à jeûner deux jours avant d'être nourri au sein par sa mère ou une nourrice. Le lait animal n'est jamais utilisé, sauf dans la mythologie, qui présente Remus et Romulus, fondateurs de Rome, allaités par une louve.
Mais l'accouchement peut tourner au drame. Si un pied ou une main se présente, si le pouls du bébé disparaît, on envoie aussitôt quérir le médecin. A charge pour lui de repousser le membre sorti et de tenter une « version » pour remettre l'enfant dans la bonne position. La manœuvre s'effectue à la main. Le forceps n'existait pas dans l'Antiquité, contrairement à l'idée un moment accréditée par une terre cuite présentant une scène d'accouchement avec forceps : ce vestige, vendu à un collectionneur italien à l'époque de Mussolini, s'est révélé être un faux, fabriqué pour faire plaisir au collectionneur !
Que le médecin échoue dans son intervention et deux vies sont en danger. « Il faut alors opérer, reprend Danielle Gourevitch, et sacrifier l'enfant pour essayer de sauver la mère en pratiquant une embryotomie. » Urgence obstétricale, cette chirurgie se pratique avec un crochet et une scie afin d'extraire le fœtus en le découpant.
La découverte, dans le camp romain de Poundbury, en Grande-Bretagne, d'un corps d'enfant ainsi désarticulé et dont les ossements portaient des traces de scie et de fracture confirme cette pratique qui, pour sembler barbare, n'en était pas moins la seule chose à tenter. Dans les cas les plus désespérés, la mère et l'enfant décèdent ensemble.
Le risque n'est pas mince et justifie le recours aux pratiques magiques pour que tout se passe bien. La croyance populaire veut que la femme accouche les cheveux dénoués et sans aucun lien pouvant lui serrer la taille ou la poitrine, ce qui empêcherait l'utérus de s'ouvrir. Certaines portent des amulettes à l'effigie de l'une des trois Parques. D'autres sollicitent Diane et Junon pour obtenir la clémence de ces déesses connues pour leur vindicte contre les femmes enceintes ou glissent des plantes bénéfiques sous le lit.
En tout cas, il faut faire un sort à l'idée couramment reçue que la césarienne est une invention du siècle de César. La méprise trouve son origine dans l'état civil en vigueur à l'époque romaine. « Un garçon né libre reçoit un prénom, un nom de famille ou gentilice et un surnom », explique Danielle Gourevitch.
« Ce surnom, qui remonte à l'époque archaïque romaine, souligne un trait personnel, souvent lié aux apparences... Or César est appelé : « Caius, Julius Cæsar ». Le surnom « Cæsar » du verbe cædere, « couper » semble ainsi marquer une naissance coupée de sa mère, autrement dit par césarienne...
« En réalité, ce surnom fait référence à cæsaries, qui signifie « chevelure », sans doute parce qu'il y a eu quelques belles toisons dans la famille Julia. Mais César, qui prétend descendre de Vénus, n'a rien fait pour démentir cette légende. Elle le sert puisque seuls les dieux de la mythologie peuvent naître par « césarienne », à l'image d'Esculape, extrait du ventre de sa mère Coronis par son père Apollon ! »
La confusion s'est maintenue, mais jamais les médecins de l'Antiquité, eux, n'ont pratiqué de césarienne, opération alors totalement impossible en l'absence d'anesthésie et d'antiseptiques. Aucune femme n'y aurait survécu.
(1) Exposition sous la direction de Danielle Gourevitch, Anna Moirin et Nadine Rouquet. A Bourges, au muséum d'Histoire naturelle jusqu'au 28 mars. Et à Dijon, au musée d'Archéologie, du 16 avril au 6 septembre.