QUI SAIT

Paroles Barbara et Luc Plamondon
Musique Barbara
Interprètes Barbara et Gérard Depardieu
Année 1985 (inédit 1986)

Troisième et dernière des chansons nouvelles interprétées par Barbara dans Lily Passion qui ne figurent pas dans l'album studio éponyme : un long (près de six minutes) dialogue dramatique en grande partie parlé entre la chanteuse et l'"assassin blond" qui reprend des passages de Campadile, L'île aux mimosas et Emmène-moi.

LILY PASSION : LE SPECTACLE
(Barbara Portrait en clair-obscur ; Valérie Lehoux ; 2007 ; Editions Fayard / Chorus)

Le spectacle, lui, fut bel et bien créé à l'heure dite, le 21 janvier 1986, au Zénith de Paris, à deux pas où, cinq ans plus tôt, était planté son grand chapiteau de Pantin. C'était impressionnant : jamais Barbara n'avait arpenté un espace aussi grand, un plateau immense de soixante-dix mètres de long et neuf cents mètres carrés ! Jamais non plus les lumières de Rouveyrollis n'avaient été à ce point flamboyantes et précises : un véritable arc-en-ciel dramaturgique ! Elles habillaient une scène très dépouillée, cernée d'un décor gris, quasi ascétique : deux grands pans de mur qui s'ouvraient et se refermaient au gré des tableaux. Barbara évoluait là-dedans comme une héroïne dans un opéra. Elle portait une robe noire, un châle noir, une rose rouge sur le cœur. ses cheveux étaient mi-longs, elle était une très belle Lily Passion. Bonne surprise : il y avait à nouveau de la limpidité et de la souplesse dans sa voix. Elle chantait, disait, murmurait. Elle tournait autour de Depardieu dans une danse de séduction et de mort. Elle sillonnait la scène et romançait son histoire entre le rocking-chair et le piano noir. Elle était superbe, droite, élégante, triomphante. Dès les premiers instants, on était stupéfait de la voir ainsi différente et pourtant pareille à elle-même.

Le spectacle fut sans conteste l'événement de cet hiver-là. Il y eut de grandes affiches placardées sur les murs, des articles dans toute la presse, la couverture de Télérama, des reportages à la télévision, une édition spéciale sur RTL, et même des encarts de publicité dans les journaux. Un tapage médiatique très éloigné des habitudes de la chanteuse, mais, pour sa Lily, tout était envisageable, tout était singulier : c'était le choc attendu des titans, l'étonnant face-à-face de deux monstres sacrés que personne n'aurait imaginés ensemble. Une entreprise gigantesque dont la production coûta douze millions de francs et qui mobilisa en permanence une cinquantaine de personnes. Financièrement, ce fut d'ailleurs un désastre, une aventure impossible à rentabiliser. Artistiquement, le bilan fut plus nuancé : le spectacle était beau, mais il aurait pu l'être davantage. En tout cas, au Zénith, il fit courir le Tout-Paris.

Il n'est que de regarder les photos prises au soir de la générale : on y voit le gotha du spectacle, des médias et de la politique se saluer dans le carré d'or avant de faire la queue pour passer en coulisses. Exotique : on n'avait jamais vu autant de VIP à l'un de ses spectacles ! Quant au reste du public, son public à elle, il offrit à sa diva vulnérable une ovation de plus, sans qu'on sache vraiment qui, de Barbara ou de Lily, déclenchait autant de passion. Ce jour-là, au moment des rappels, la chanteuse se mit à pleurer, soulagée et épuisée, repliée dans son rocking-chair, le visage caché dans les mains. Le soir de la dernière, après un mois ardent, elle chanta même Pantin.

Puis elle reprit la route. Depardieu tint sa promesse, il raya les pages de son agenda pour pouvoir la suivre. Partout les lumières grandioses et l'imposant mur gris les accompagnèrent. Chaque jour, tout fut monté, démonté puis remonté dans une ville nouvelle et dans des lieux qui ne font pas forcément rêver. Un soir, ils se produisirent sous un hall de foire à l'acoustique douteuse ; un autre, ils chantèrent sous un hangar glacial où les spectateurs des premiers rangs avaient du mal à apercevoir le fond de la scène tellement celle-ci était haute. Mais, ensemble, ils triomphèrent au Printemps de Bourges, devant près de six mille jeunes qui n'avaient pourtant pas dû souvent la voir sur scène. Quand ils revinrent saluer, toute la salle criait « Barbara ! ».

La tournée dura deux mois et demi, elle les mena en France, en Suisse, en Belgique, en Italie. Là-bas aussi, les salles furent pleines. Témoin, Il Corriere della Sera : « Triomphe pour Barbara et Gérard Depardieu. » Il Giornale degli spettacoli : « Le couple Barbara-Depardieu renouvelle l'énorme succès des scènes parisiennes. » Il Messaggero : « Vingt minutes d'applaudissements. » La Stampa : « Succès de l'acteur et de la chanteuse. » A Rome, le théâtre Argentina afficha même complet plusieurs jours avant la représentation. C'est là que Lily Passion se donna une toute dernière fois, le mai 5 mai 1986.

Longtemps, Barbara pensa lui redonner vie. Le 21 novembre 1987, lors d'un récital au Mans, elle annonce : « Ce soir, je peux vous dire que Gérard Depardieu et moi-même, nous allons bientôt reprendre Lily Passion. » Le 27 février 1988, lors d'un concert à Lyon, le géant blond, en tournage dans la région, la rejoint sur scène pour chanter avec elle. Et elle répète : « Nous allons reprendre Lily Passion. » Elle est heureuse. Mais le spectacle ne sera jamais remonté. Problème d'argent, d'emploi du temps ou de salle, on ne sait. Reste que Lily Passion fut l'un des moments les plus forts de sa longue route. Dix ans plus tard, dans ses mémoires, Barbara écrira encore : « On m'en a parlé, on m'en parle toujours, de David, l'assassin magnifique. » Le coupable qui l'obsède et à qui elle pardonne. Elle, c'est sûr, ne l'a pas oublié.

Depardieu non plus.

Et même s'il a, publiquement, très peu parlé de Barbara, il existe un livre, Lettres volées, dans lequel il dit à quel point la voix et les mots de Barbara lui étaient chers. Avec lui, la blessée savait se faire protectrice.

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