PANTIN

Paroles Barbara
Musique Barbara
Interprète Barbara
Année 1981 (inédit 1982)

Un remake de Ma plus belle histoire d'amour où Barbara célèbre son triomphe à Pantin du 28 octobre au 21 novembre 1981. Chantée seulement le dernier soir, la chanson ne figure pas dans la première édition de Barbara / Récital Pantin 1981, dont le contenu avait été capté précédemment. Il faudra attendre la réédition du disque l'année suivante pour qu'elle y soit intégrée.

FOLIE ET APOTHÉOSE À PANTIN
(Barbara Portrait en clair-obscur ; Valérie Lehoux ; 2007 ; Editions Fayard / Chorus)

Le 28 octobre 1981, alors que le jour commence à s'effacer, Barbara, en pantalon et tunique de velours noir, quitte sa loge et file derrière la scène. Elle attend, elle est prête, elle a répété six mois. Elle sait qu'ils vont venir. Ce qu'elle ignore encore, c'est que « son » Pantin est sur le point d'entrer dans la légende.

De ce spectacle-là, on a déjà tout dit. Les journalistes, les artistes, les spécialistes, les historiens... tout le monde a dit la folie de Pantin, l'apothéose totale, la communion parfaite entre une chanteuse et son public. Le fabuleux état de grâce qui les a portés ensemble au paroxysme d'une magie et d'un partage quasi indicibles. Le souvenir de l'Olympia est presque effacé. Car là, c'est autre chose, plus grand, plus fou, incomparable. Tout comme son Bobino de 1964 avait été un cataclysme - « Rien ne laissait présager ce qu'il allait se passer, a raconté Sophie Makhno. On voyait cette salle totalement sous hypnose » -, tout comme les adieux de Brel en 1966 avaient secoué le monde du music-hall, de même, le spectacle de Barbara sous son grand chapiteau imprime une marque indélébile sur l'histoire de la chanson. Elle y écrit une page inédite, et, sur celle-ci, ce sont une fois de plus les jeunes qui tiennent le premier rôle.

C'est simple : personne n'en revient ! L'ambiance est aussi électrique qu'à un concert de rock, mais il règne dans l'air une ferveur, un respect et une émotion qui n'existent pas ailleurs. Chaque soir, entre le 28 octobre et le 21 novembre 1981, le miracle se répète avec une puissance inégalée. Les journalistes s'emballent : « Venez voir, il se passe quelque chose d'inimaginable Porte de Pantin ! » Les professionnels n'en croient ni leurs yeux ni leurs oreilles : « Mais comment Barbara, qui chante depuis trente ans, qui ne passe jamais à la télé, qui a des chansons tristes... comment parvient-elle à fédérer tous ces jeunes ? »

Pierre-Yves Guillen, chroniqueur au Quotidien du médecin, ne cherche pas à expliquer, mais il raconte, comme sonné : « Deux mille cinq cents adolescents battent d'un même cœur. Ceux qui avaient vingt ans il y a dix ans la retrouvent avec une larme d'égoïsme, ceux qui ont vingt ans aujourd'hui la découvrent avec une larme de regret, celui de ne pas l'avoir connue plus tôt. Et les autres, les obscurs, les sans-âge, ont les chairs de poule qu'elle offre. Et puis c'est l'ovation, comme jamais vu, même pour Maria Callas. Deux mille cinq cents adolescents debout et la réclamant pendant de longues minutes, et puis ce sont des bis, trois ou quatre chansons qu'elle chante devant les deux mille cinq cents adolescents qui ont oublié de se rasseoir, et c'est encore une autre chanson, et encore une autre, et les bras qui applaudissent au-dessus des têtes, et ses larmes qu'elle écrase avec ses gestes de goéland échoué sur des marées noires. »

Le chapiteau se fait vaisseau, cathédrale. la chanteuse s'y déploie comme jamais : elle devient une sorte de rock star lyrique, portée par les bravos d'une foule amoureuse.

A Pantin, tout est comme avant et tout est différent : Barbara traverse la scène de long en large, bouge, marche, tend les bras, fend l'espace. Et dire qu'il fut un temps où elle chantait rivée à son piano ! A Pantin, les lumières éclatent dans un feu d'artifice de couleurs qui habillent les chansons de bleu, de rouge ou d'or... Et dire qu'il fut un temps où elle rêvait de chanter dans le noir ! Cette fois, le grand maître des éclairages, Jacques Rouveyrollis, a su gagner sa confiance et prendre une place essentielle dans la conception de la scène. Pour Barbara, il dessine un sublime écrin de couleurs où elle se glisse avec délice... A tel point que, désormais, elle n'imaginera plus un seul spectacle sans la palette arc-en-ciel de son peintre des lumières. Quant à Romanelli, il n'est plus seul à ses côtés, et c'est aussi une petite révolution : puisque Barbara passe de plus en plus de temps debout, loin du piano, il faut un autre musicien pour jouer toutes les notes qui explosent dans sa tête. Ce deuxième homme s'appelle Gérard Daguerre, c'est un ami de Roland. Un jour - il ne le sait pas encore - il le remplacera.

Tout est comme avant, et tout est différent : à Pantin plus qu'ailleurs, Barbara réinvente ses chansons. Pas un soir où elle les interprète comme la veille. Elle sait que, dans la salle, beaucoup les entendent pour la première fois... Et, pour elle aussi, chaque fois va devenir une première. Dans un silence étonnant, le regard perdu, elle refait le voyage de Nantes et semble se briser sur les ultimes notes alors que le noir envahit la scène. Plus loin, sur un tempo effréné, le sourire éclatant, elle déroule gaiement A mourir pour mourir : « J'aime mieux m'en aller / Du temps que je suis belle / Qu'on ne me voie jamais / Fanée sous ma dentelle... » Pas une pointe de tristesse dans cette chanson-là ; c'est tout bonnement sidérant.

Acclamations dans la salle, la chanteuse est plus que belle. Alors, dans un recueillement presque religieux, les yeux fermés et la main levée vers le ciel, Barbara égrène chaque soir les mots qui comptent sans doute le plus pour elle, ceux qui disent son chemin, sa passion et sa résurrection : « Qu'importe ce qu'on peut en dire / Je suis venue pour vous dire / Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous... »

Déclaration sans cesse renouvelée au public adoré.

Tout est comme avant, et tout est différent : la femme qui chante à Pantin continue sa lente reconstruction ; elle est la même qu'à L'Ecluse ou à Bobino. Mais sa voix, elle, a changé. Pas vraiment cassée, mais plus aussi claire qu'avant, plus aussi souple. Et comme à Pantin elle ne s'épargne pas, comme elle chante tous les soirs sans un seul jour de relâche, ses cordes vocales se fatiguent. Souvenir de spectateur : « Un soir, elle arrive sur scène et nous explique qu'elle est presque aphone, absolument désolée, et que ceux qui le souhaitent peuvent se faire rembourser... Tout le monde est resté. Elle a alors commencé à chanter, très péniblement, mais elle a chanté... Ensuite, dès qu'elle entamait un morceau connu, toute la salle se mettait à l'entonner avec elle pour la soutenir. Tous en chœur, c'était incroyable ! » Par bonheur, le lendemain, sa voix revient. Mais avec ce voile qui désormais ne la quitte plus.

Le public, lui, prend ses aises : tous les soirs, dès que Barbara quitte la scène, il se lance dans d'interminables rappels, plus longs encore qu'à l'Olympia ou que partout ailleurs. Certains soirs, ils durent près de trois quarts d'heure... Ahurissant ! Les hommes chargés de l'accueil ou de la sécurité jurent n'avoir jamais vu cela.

La plupart du temps, elle revient, à bout de forces, mais émerveillée par cette vague de chaleur qui la porte aux nues. Le dernier soir - d'une intensité jamais égalée -, elle débarque sur scène un texte à la main. Dans la nuit précédente, elle a écrit une chanson, comme une lettre d'amour et de remerciement à tous ceux qui viennent de l'acclamer, trois semaines durant, sous son grand chapiteau. Elle chante, elle lit :

Pantin espoir, Pantin bonheur,
Oh, qu'est-ce que vous m'avez fait là ?
Pantin qui rit, Pantin j'en pleure,
Pantin, on recommencera !

Et la foule, debout, explose. Lance des « Je t'aime » et des « Merci ». Des : « Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous ! »

Et la foule, encore, se met à lui chanter : « Dis, quand reviendras-tu ? / Dis, au moins le sais-tu / Que tout le temps qui passe / Ne se rattrape guère... » Des centaines de voix s'élèvent vers elle, qui peine à croire ce qu'elle voit là. « A la fin de la chanson, elle s'est écroulée sur le piano, raconte un spectateur. Elle a mis sa tête dans ses mains et elle a pleuré. La moitié du public aussi. »

Aujourd'hui encore, Pantin reste gravé dans les mémoires. En 1981, Anne-Marie Paquotte travaillait à Télérama : « C'était extraordinaire, ahurissant. C'est la seule fois où je l'ai vue revenir saluer en peignoir, tellement ça n'en finissait pas ! Les gens rechantaient le spectacle après le spectacle.

Il régnait à Pantin une espèce de ferveur qui était liée au récital, mais aussi sûrement à l'époque, à l'arrivée de la gauche au pouvoir. Il y avait vraiment une ambiance très particulière. Depuis, je n'ai jamais ressenti cela, cette sensation d'âme collective, quelque chose de quasiment chamanique. Higelin était capable de créer des ambiances de ce genre, mais plus festives. Avec Barbara, c'était presque spirituel. Pas du tout sépulcral, pas du tout ! Mais proche du sacré, du mystique. Elle amenait les gens dans les profondeurs d'eux-mêmes, à de tels niveaux d'émotion qu'ils en restaient béats. »

Nous contacter

Veuillez entrer votre nom.
Veuillez entrer un sujet.
Veuillez entrer un message.
Veuillez vérifier le captcha pour prouver que vous n'êtes pas un robot.