L'HOMME EN HABIT ROUGE

Paroles Barbara
Musique Gérard Bourgeois
Interprète Barbara
Année 1974

Après l'album La Louve, Barbara reprend la plume pour écrire, sur une musique spectaculaire signée Gérard Bourgeois et dominée par l'accordéon de Romanelli, L'homme en habit rouge (à ne pas confondre avec L'homme en habit, version française de Vecchio frack de Domenico Modugno, qu'elle avait enregistrée sur son premier super 45 tours en 1958), chanson d'adieu à Wertheimer, "Magicien du matin surgi de la lumière" et qui vient de la quitter, la laissant sur la certitude que sa jeunesse s'est envolée avec lui ("Mon habit se ternit / Mes fleurs se fanent et j'ai perdu ma lumière"). Publiée sur un 45 tours, L'homme en habit rouge est aussi, après Mr Capone, la deuxième chanson de Barbara à faire allusion à la consommation de "fleurs aux parfums étranges".

L'HOMME EN HABIT ROUGE
(Barbara Portrait en clair-obscur ; Valérie Lehoux ; 2007 ; Editions Fayard / Chorus)

Après La Louve, François Wertheimer n'a quasiment plus revu Barbara. Ou seulement sur scène, huit ans plus tard, sous le grand chapiteau de la Porte de Pantin. Comme tout le monde, il fut estomaqué par la ferveur du public, cette foule d'adolescents émerveillés et survoltés qui ne voulaient plus la laisser partir. Sans concession ni préméditation, Barbara était devenue une espèce de rock star.

A Pantin, ce soir-là, comme tant d'autres soirs d'ailleurs, Barbara a chanté L'Homme en habit rouge ; les souvenirs de Wertheimer ont dû déferler. « C'est un peu privé, mais je peux le raconter aujourd'hui, parce que c'est une belle histoire. Pendant cet été 1973, à Précy, j'avais pris l'habitude de me promener nu. Un jour, elle m'a offert Habit rouge, de Guerlain, pour "m'habiller" en quelque sorte. Juste après mon départ, elle a écrit la chanson. Je l'ai pris comme un joli cadeau d'au revoir. »

Je l'avais rencontré là dans un bar
Sur une planète vraiment bizarre...
Il fumait des fleurs aux parfums étranges
Et qui semblaient l'envoyer jusqu'aux anges (1)

Le temps d'un album, Barbara et François auront mêlé leurs vie. Et les auront démêlées une fois le disque fini. « C'était une femme extraordinaire. On a vécu une histoire assez magique, mais trop lourde à porter. Elle vivait les choses tellement à fond que ça ne pouvait pas durer. Elle le savait. Un jour, je suis parti. »

De leur aventure nous restent dix chansons, dont une étrangement sans paroles. Et c'est la plus poignante. La plus inquiétante. En guise d'introduction, on y entend la voix de Barbara qui explique, comme une confidence prise sur le vif : « Cette chanson-là... je voulais une chose absolument sans texte. enfin, il y en a un... mais je n'y arrive pas... Bon... Disons que c'est Paris, un matin... Un matin de novembre qui n'est pas encore froid ; un matin de novembre avec un temps de mars... Et c'est une marche, très lente... C'est noir, comme une grappe, lourde... Et ça s'écoule comme ça, très lentement. C'est sombre. Une espèce de lente prière... » Puis les mots s'effacent devant des vocalises qui s'élancent et se brisent sur une cascade de cordes symphoniques. 6 novembre, autrement appelée Chanson pour une absente, est une longue plainte dédiée à sa mère ; une prière muette, parce qu'il est parfois des douleurs si vives qu'elles dépassent les mots.

François Wertheimer allume une cigarette et parle doucement.

« Elle était forte, mais... comment dire ? Elle avait une sorte de fragilité très forte. Elle avait été meurtrie par la vie, mais elle avait pris le dessus.

- Vous parlait-elle de son passé ?

- Non, du moins rien n'était explicite. Mais je sentais qu'il y avait eu quelque chose. Parfois elle me disait : "J'ai eu des problèmes." Rien de plus. Barbara était une femme intelligente... D'une intelligence exceptionnelle, même, et très intuitive. Elle pouvait avoir des hauts et des bas pour des raisons qu'on avait du mal à saisir, mais, sur le fond, elle était très cohérente. Elle suivait son chemin. Elle était fidèle à une vérité qui lui appartenait. Tout à fait fidèle. »

(1) L'Homme en habit rouge (Barbara / Barbara-Gérard Bourgeois), Editions Top Song/L.E.M., 1974.

Nous contacter

Veuillez entrer votre nom.
Veuillez entrer un sujet.
Veuillez entrer un message.
Veuillez vérifier le captcha pour prouver que vous n'êtes pas un robot.