JE VIENS

Paroles Barbara
Musique Barbara et Roland Romanelli
Interprète Barbara
Année 1985 (inédit 1986)

Une chanson qui rappelle Au cœur de la nuit par les interrogations ("Quel est ton mal ? / Quel est ton cri ? / Quelle douleur te hante ?") qui poussent Lily Passion à s'aventurer seule dans la nuit à la rencontre de l'assassin, des interrogations qui font ainsi de celui-ci un alter ego du père incestueux de l'auteure (cf. Mémoire, mémoire). Je viens est aussi la dernière chanson de Barbara sur laquelle Roland Romanelli est intervenu avant de se brouiller avec elle.

LILY PASSION : L'ALBUM STUDIO
(Barbara Portrait en clair obscur ; Valérie Lehoux ; 2007 ; Editions Fayard / Chorus)

Ces cinq dernière années, Barbara a beaucoup composé : elle dispose désormais d'une bonne vingtaine de titres qu'elle veut d'abord graver sur disque. A la fin de l'été 1985, six mois avant la création du spectacle, elle commence donc à s'organiser : elle demande à William Sheller de lui préparer des orchestrations, et prévient Romanelli et Daguerre, les deux hommes de Pantin, qu'ils vont bientôt enregistrer. Jusque-là, rien à signaler.

A l'automne, comme prévu, l'équipe se retrouve en studio. Mais, très vite, des fausses notes s'immiscent. A entendre Romanelli, les arrangements sont mal finis, les séances mal dirigées. Le musicien trépigne. « Au bout d'une dizaine de jours, j'ai eu le sentiment qu'on perdait notre temps. Je voulais le lui dire, je n'osais pas. Et, peu à peu, est apparue une certaine tension. Un soir, Gérard Depardieu l'a senti, il m'a demandé : "Roland, qu'est-ce qui ne va pas ?"... Je me suis emporté : "Ecoute, je suis désolé, mais ce qu'on fait, c'est de la merde !" Le lendemain matin, quand je suis arrivé au studio, elle m'attendait. "Alors... il paraît que je fais de la merde ? Si ça ne te plaît pas, tu peux t'en aller !"... Je l'ai prise au mot. J'ai mis mon accordéon dans la voiture et je suis parti. C'était fini. »

Après vingt ans ou presque d'un compagnonnage parfois orageux mais d'une harmonie musicale parfaite, Romanelli et Barbara se séparent en l'espace d'une seconde. « Quelques mois plus tard, mon téléphone a sonné. J'ai tout de suite reconnu sa voix enjouée. "Bonjour, je suis bien chez Jean-Michel Jarre ?" Je ne sais pas pourquoi, j'ai répondu que c'était une erreur, et j'ai raccroché. Bêtement ! Elle ne m'a plus jamais rappelé ; moi non plus. Sans doute était-il temps que nos routes se séparent. Elle m'avait toujours dit : "Je ne veux pas qu'un jour tu me voies fatiguée ou diminuée..." Finalement, c'est ce qui s'est passé, et c'est sûrement mieux ainsi. Mais sa présence ne m'a jamais quitté. C'est elle qui m'a fait. »

Fin 1985, l'enregistrement reprend, sans Romanelli et plus comme avant. L'ambiance est lourde. Il semble que Barbara se soit mise à douter. Fini, l'état de grâce, son bateau tangue sérieusement et ses hommes continuent de tomber à la mer : c'est maintenant William Sheller qui est débarqué ! Il est estomaqué. Il comprend d'autant moins que, pour lui, tout était en place pour produire un chef d'œuvre : « Il y avait une version magnifique avec orchestre... Je vous jure que c'était très beau. Et puis, du jour au lendemain, tout s'est arrêté : j'ai même appris que la bande avait disparu ! Elle s'est volatilisée ! Je n'ai eu aucune explication. Je me demande toujours ce qui a bien pu se passer. »

Il n'est pas le seul à se poser la question, et, vingt ans plus tard, il n'existe encore aucune réponse valable. La bande de Lily Passion a-t-elle été volée ? Accidentellement détruite ? Mal classée, perdue ? Ou bien Barbara l'a-t-elle sciemment subtilisée parce qu'elle n'en était pas satisfaite ? C'est évidemment l'hypothèse la plus probable, mais même celle-ci reste incertaine : si la chanteuse avait voulu enterrer son enregistrement, elle n'aurait pas demandé à sa maison de disques de remuer ciel et terre, quelques années plus tard, pour essayer de le retrouver... Or c'est ce qu'elle fit, dépitée que les recherches restent vaines. A n'y plus rien comprendre.

Alors ? Qu'est-il arrivé ? La seule chose avérée, c'est que Barbara n'en a jamais rien dit. Et que le disque n'est jamais sorti.

NDLR : L'enregistrement a finalement été retrouvé en 2012 dans les archives de Universal, où il avait été mal répertorié, et publié dans Barbara / Comme un soleil noir, l'intégrale de 2017.

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