VOL DE NUIT

Paroles Barbara
Musique Barbara
Interprète Barbara
Année 1990

Un titre peut-être emprunté à Saint-Exupéry et des réminiscences de Joyeux Noël pour une brève rencontre amoureuse où Barbara, fidèle aux incongruités de sa dernière manière, malmène furieusement la syntaxe.

« THÉÂTREUSE »
(Barbara Portrait en clair-obscur ; Valérie Lehoux ; 2007 ; Editions Fayard / Chorus)

Son aisance sur scène, elle la gagne petit à petit, ou plutôt pas à pas. Après la voix, l'écriture et la silhouette, Barbara apprend à maîtriser l'art du geste. La conquête est si progressive et si nette qu'on peut la dater avec précision : de 1954 à 1964, à L'Ecluse, elle reste encore très largement rivée, coincée au piano. Puis, en 1966, à Bobino, première révolution : elle se lève à la fin de Ma plus belle histoire d'amour. Deux ans plus tard, à l'Olympia, elle esquisse quelques pas de danse. Elle s'enhardit... Et ainsi de suite, un peu plus à chaque fois, mais à des doses longtemps homéopathiques : « Vous marchez très bien », lui dit un jour Béjart, le grand chorégraphe.

Ce n'est vraiment qu'à partir du spectacle de Pantin, en 1981 - soit trente ans près ses débuts ! - qu'elle se libère enfin totalement. Roland Romanelli l'accompagne encore ; il est aux premières loges pour mesurer l'ampleur de la transformation. « C'était à peine croyable... Je ne sais pas comment elle faisait pour marcher comme ça... D'ailleurs, elle ne marchait pas, elle volait ! Elle partait dans tous les sens, en avant, en arrière. C'est là que je l'ai sentie la plus heureuse. » A cinquante ans passés, Barbara chante maintenant debout, très souvent ; elle n'a plus peur de se montrer, de s'approcher d'un public qu'elle regarde dans les yeux. Au cours des spectacles suivants, c'est encore plus frappant : en 1986, au Zénith, elle arpente la scène en tous sens. A Mogador et au Châtelet, en 1987, 1990 et 1993, elle va, vient, vire, tourne, fait de grands gestes, enlace la salle, lève la jambe, s'allonge sur le piano comme on se couche dans un lit ! Barbara a des attitudes de rockeuse, portée par l'ambiance électrique et déchaînée qui salue désormais chacune de ses apparitions. Et plus elle en fait, plus le public applaudit, plus il tape des pieds et des mains, plus il hurle des « bravos » et des « mercis ». Et plus ils crient, plus elle tournoie et tend les bras en signe d'offrande.

Les adeptes de la première heure en sont souvent décontenancés. « Mais qu'est-ce qu'elle fabrique ? » ; « Qu'est-ce qui lui prend de gigoter comme ça ? » ; « Elle va finir par se rouler sur le piano... » Impossible pour eux de retrouver la chanteuse si sobre des années 60, qui laissait aux notes suspendues et à la limpidité de sa voix le privilège d'occuper l'espace.

C'est que peut-être, justement, la voix n'est plus aussi limpide. Ou tout bonnement qu'avec le temps son rapport à la scène et aux autres a changé. Ou encore qu'elle a une envie folle de s'amuser et de bouger. Qui sait ? Sans affirmer ni la cause ni l'effet, on ne peut que le constater : au fur et à mesure que la voix a perdu de sa clarté, la gestuelle s'est amplifiée au point d'être, dans les dernières années, totalement débridée.

Quelle évolution ! De chrysalide, Barbara s'est métamorphosée en papillon virevoltant dans les lumières de la scène. Théâtrale, magistrale, ouvrant les bras vers son public et s'offrant toute à lui... Barbara n'a pas joué son personnage, elle l'est devenue. « Je ne suis pas une chanteuse, disait-elle, je suis une femme qui chante. » Dans la formule, il n'y a pas qu'une simple coquetterie, mais une vérité dont elle seule savait la profondeur. « Chanter, c'est respirer... »

Nous contacter

Veuillez entrer votre nom.
Veuillez entrer un sujet.
Veuillez entrer un message.
Veuillez vérifier le captcha pour prouver que vous n'êtes pas un robot.