EGLANTINE

Paroles Barbara
Musique Barbara
Interprète Barbara
Année 1972

Inspirée par le film Eglantine (Jean-Claude Brialy ; 1972), une chanson qui renoue avec les évocations à demi-mots de l'inceste dont Barbara a été victime durant son adolescence en inversant les sexes des protagonistes, un schéma cathartique qu'elle n'avait plus utilisé depuis Madame et renforcé ici par les liens de famille qui unissent les personnages. Eglantine est aussi la plus longue chanson de Barbara (plus de six minutes), un paroxysme qui témoigne d'une augmentation générale de la durée de ses œuvres entre la décennie soixante et la suivante.

BARBARA ET JEAN-CLAUDE BRIALY
(Barbara Portrait en clair-obscur ; Valérie Lehoux ; 2007 ; Editions Fayard / Chorus)

Toujours pas de retour programmé à l'Olympia. « Ne pas revenir comme une cousine de province », a-t-elle dit... Barbara n'est pas Bécaud. En revanche, le cinéma la titille encore. Elle fantasme à voix haute sur d'improbables collaborations avec Polanski, Losey, Visconti, Fellini. « Alors là, on rêve, on est en plein délire... » (1)

En effet. En lieu et place de Fellini et de Losey, Barbara trouve Jean-Claude Brialy, acteur mais aussi, depuis peu, réalisateur. Pas de méprise : pour elle, c'est un garçon précieux, sensible et fin. Elle le compte même parmi ses amis proches, et ils ne sont pas si nombreux. Brialy la fait rire. Et elle lui fait confiance. En 1972, lorsqu'il lui propose un rôle dans le film qu'il est en train d'écrire, Barbara accepte donc avec joie. D'autant que le personnage lui correspond à merveille : une diva déchue et fantasque qui a perdu sa voix, vit recluse dans sa chambre, passe sans cesse du rire au drame, ressasse ses peurs et ses succès dans un dialogue virtuel avec son public craint et adoré... Une espèce de double d'elle-même en négatif, qui se serait cadenassé dans des névroses insondables.

Mieux : non seulement Brialy lui tricote un personnage familier, mais, en plus, il a la belle idée de la laisser improviser. Pour Barbara, il n'y aura pas de dialogue coulé dans le bronze du script : elle pourra se laisser aller à toutes ses fantaisies. Et Dieu sait si elle en a ! Ceux qui ont eu la chance de la rencontrer savent bien de quelle rapidité d'esprit et de quel débit elle est capable ! Une conversation de Barbara, c'est toujours vif et pointu, intelligent et bondissant. Un vrai régal dans la vie. Alors, sur un plateau...

Eh bien, c'est à peu près la même chose. Devant la caméra de Brialy, Barbara s'en donne à cœur joie. Et dans un soliloque effréné, elle glisse beaucoup d'elle-même : elle dit qu'elle aurait rêvé d'être blonde au nez retroussé ; qu'elle aurait adoré faire du music-hall ; ou encore que ses admirateurs la laissent rarement en paix. « Ils sont là comme des oiseaux. [...] Je sais qu'ils m'aiment, mais c'est un amour qui m'angoisse tellement ! » (2) Aujourd'hui, on ne peut revoir la scène sans sursauter, surtout lorsque l'on sait que, dans les années 80 et 90, Barbara avait donné un nom aux fans irréductibles qui la suivaient en tournée : « les oiseaux ».

Le film de Brialy, lui, s'intitule L'Oiseau rare. Il sort à la fin de l'été 1973 et est accueilli par une critique plutôt bienveillante. Enfin la presse reconnaît à Barbara quelques talents de comédienne. Elle a beau jeu, alors, de dire qu'elle n'y est absolument pour rien, et que si elle s'en sort correctement, c'est grâce au talent et à la confiance du cinéaste. Rien d'autre. revanche modeste.

Pour elle, cependant, L'Oiseau rare vient refermer la parenthèse de la comédie (3). Ce n'est pas un renoncement, plutôt une renaissance. Les quatre années qui viennent de s'écouler, elle les a vécues comme elle l'avait annoncé, en brouillant les cartes, en fuyant le star-system et en montrant à ceux qui en doutaient encore qu'elle n'entrerait jamais dans une case ou un carcan.

Maintenant, elle n'a plus rien à prouver.

Elle veut chanter.

(1) Télérama, 10 mars 1973.

(2) Rappelle-toi Barbara, Sophie Delassein, Editions 10/18, 2002.

(3) Elle y reviendra en fait deux fois, très épisodiquement, donc, et de façon détournée, d'abord avec Maurice Béjart, sous la direction duquel elle tourne en 1976 Je suis né à Venise, un film hommage à la danse. Puis avec son propre spectacle mi-parlé mi-chanté, Lily Passion, en 1986.

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