TOI L'HOMME
Paroles | Sophie Makhno | |
Musique | Barbara | |
Interprète | Barbara | |
Année | 1965 |
Chantée sur un air de marche funèbre, la troisième des quatre chansons écrites par Sophie Makhno pour Barbara n°2 témoigne de la quête impatiente de l'amour et de l'homme qui ne serait pas comme ceux "Que le soir nous apporte / Et qu'au petit matin / Triste, l'on reconduit / Jusqu'au seuil de sa porte". Si la quasi-homonyme Toi semblera combler les vœux de la chanteuse à la fin de l'album, les deux chansons ont en commun la même liberté de ton quand il s'agit de dire que "c'est chaud les hommes".
L'ÉTERNELLE AMOUREUSE
(Barbara Portrait en clair-obscur ; Valérie Lehoux ; 2007 : Editions Fayard / Chorus)
Elle le dit.
Plus que cela, elle l'assène à la première occasion : « Je n'ai pas le talent de vivre à deux. » Et elle insiste : « Je suis une solitaire [...] Je n'ai pas le talent de l'amour. J'ai vécu de brûlants échanges. Je n'ai pas partagé les jours après jours. » (1) C'est vrai et c'est faux à la fois.
Toute sa vie Barbara fut une incorrigible amoureuse qui collectionna les aventures parfois fort orageuses et très éphémères. Rarement elle s'essaya au train-train quotidien de la vie de couple, incapable qu'elle était d'en respecter le rythme de croisière. Mais, pour ce qui est de sa grande solitude, de sa vie de quasi-recluse qui inspirait tant les journaux, on se permettra une réserve : la solitude, pièce maîtresse du mythe Barbara, fut sans doute réelle dans les vingt dernières années de son existence... Avant, beaucoup moins !
Comment être seule quand on croque à ce point la vie et les hommes : « Je n'ai pas tenu de comptes, mais c'est sûr qu'il y en a eu beaucoup, raconte Marie Chaix. Cela avait-il un rapport avec ce qui lui était arrivé plus jeune ? Peut-être. Elle avait absolument besoin d'hommes autour d'elle. Elle en avait besoin, et elle en changeait tout le temps. Je pense qu'elle ne trouvait pas l'homme avec lequel elle pouvait être heureuse. »
Sophie Makhno confirme : « C'était fou, ce besoin d'amour. Le besoin d'être aimée et de rencontrer son semblable. Mais un semblable à Barbara, ça n'est pas facile à trouver ! »
D'où, des années durant, la valse des amants. Avec le risque, bien sûr, que des danseurs malhabiles, ou embarqués malgré eux dans un tempo effréné, ne s'emmêlent les pinceaux. Aux assistantes alors de gérer. Sophie Makhno : « Elle m'a parfois mise dans des situations désagréables. Par exemple : un soir de concert, dire à un monsieur qu'elle ne voulait plus voir qu'il devait impérativement quitter la salle... Parce que, s'il restait, elle ne chanterait pas. »
Barbara l'amoureuse pouvait tourner les talons aussi vite qu'elle ouvrait les bras. En général, la rupture était sans appel, et tant pis pour les éconduits. « Un jour, un monsieur s'est retrouvé dehors parce qu'il avait commis un sacrilège : il s'était assis sur son tabouret de piano. Ce pauvre garçon ne pouvait pas savoir que c'était interdit ! Il s'était irrémédiablement mis hors circuit. J'en ai vu aussi revenir le nez au vent et la fleur à la main après avoir fait le ménage dans leur vie. Mais elle, entre-temps, était déjà passée à autre chose... »
En écoutant les souvenirs de Sophie Makhno, on repense forcément à ceux d'Ethery : « Elle était révoltée contre l'humanité, contre les hommes surtout. Quand il y avait un couple d'amoureux, il fallait souvent que l'amoureux mâle devienne son amant. »
Amorale, Barbara ?
C'est évidemment beaucoup plus compliqué que cela.
« Je suis morte depuis longtemps », disait-elle.
Sophie Makhno reprend : « Elle est morte... et je pense qu'elle a connu autant de renaissances qu'elle a connu d'amours. » Renaissances et disparitions, lumière et noirceur, passions et séparations. Barbara laissa sur le carreau des dizaines d'amoureux sonnés.
Partir avant qu'il ne soit trop tard. Quitter de peur d'être abandonnée ?
Ceux qui connaissent les textes connaissent les histoires. Elle chantait : « C'est parce que je t'aime / Que je préfère m'en aller / Car il faut savoir se quitter / Avant que ne meure le temps d'aimer » (2) Ou bien : « Plus tard tu le comprendras / Il faut, quand on aime / Partir au plus beau, je crois / Et cacher sa peine » (3) Ou encore : « Un jour / Demain / Je partirai / Sans rien te dire / Sans m'expliquer. » (4)
Leitmotiv.
(1) Télérama, 6 novembre 1996.
(2) Parce que (Barbara), Editions Tutti, 1967.
(3) Amours incestueuses (Barbara), Editions L.E.M, 1973.
(4) Sables mouvants (Barbara), Famille Barbara, 1994.