LA FORCE DE L'AMOUR
Paroles | Jeanne Cherhal | |
Musique | Jeanne Cherhal | |
Interprète | Jeanne Cherhal | |
Année | 2019 |
Régulièrement chantée pendant la tournée qui a suivi l'album L'an 40, une suite logique de Comme je t'attends et de César où Cherhal évoque les contraintes épuisantes de sa vie de mère et "la force de l'amour" qui permet de les assumer.
L'AMOUR MATERNEL EXISTE-T-IL ?
(L'Histoire n°262 ; François Lebrun ; février 2002)
Le sentiment ou l'instinct maternel est-il inné ? Pour les historiens, la réponse n'a rien d'évident.
« A parcourir l'histoire des attitudes maternelles, naît la conviction que l'instinct maternel est un mythe. Nous n'avons rencontré aucune conduite universelle et nécessaire de la mère. Au contraire, nous avons constaté l'extrême variabilité de ses sentiments, selon sa culture, ses sentiments, ses ambitions, ou ses frustrations. Comment, dès lors, ne pas arriver à la conclusion, même si elle s'avère cruelle, que l'amour maternel n'est qu'un sentiment et comme tel, essentiellement contingent. Ce sentiment peut exister ou ne pas exister ; être ou disparaître. »
C'est par ces mots que la philosophe Elisabeth Badinter concluait son étude sur l'amour maternel, L'Amour en plus, publiée en 1980, un livre qui suscita des réactions passionnées.
En 1960, Philippe Ariès avançait quant à lui que l'amour pour l'enfant n'était apparu que tardivement dans l'histoire de l'Occident, entre la fin du Moyen Age et les débuts de l'époque moderne ; et qu'il s'affirma d'abord dans les classes supérieures de la société.
Mais les spécialistes du Moyen Age ont largement infirmé cette thèse : l'enfant médiéval est l'objet de soins, d'attentions et d'affection dont témoignent de multiples sources.
C'est par exemple L'Escoufle, un roman écrit en 1202, qui met en scène une mère qui doit se séparer de son fils de trois ans : « Mais je l'aime plus que tout, il n'y a rien de plus beau que lui. Tant que je le vois, je ne puis avoir ni irritation ni colère, ni ennui. Il est mon espérance, ma joie, mes joyaux et mes plaisirs. » Ou bien cette femme noble, décrite par un régisseur rural en haute Ariège au XIIIe siècle, qui doit quitter son enfant au berceau : « Elle voulut le voir avant de s'en aller ; le voyant, elle l'embrassa ; alors l'enfant se mit à rire ; et ainsi de suite à plusieurs reprises. De sorte qu'elle ne pouvait parvenir à se séparer de l'enfant. »
Les livres de raison nous livrent également des témoignages bouleversants du chagrin éprouvé par les parents lors de la mort d'un enfant.
On a objecté à cela que certaines pratiques prouvaient l'indifférence : encore au XVIIIe siècle, on n'hésite pas à confier les enfants à de lointaines nourrices ou même à les abandonner. En fait, la contradiction est beaucoup moins évidente qu'il n'y paraît.
La pratique de la mise en nourrice, très minoritaire dans la société française puisque presque exclusivement urbaine, répond soit à des convenances sociales dans l'aristocratie, soit à des contraintes professionnelles chez les artisans et les gens du peuple.
Elle peut se concilier avec l'affection que l'on porte au nouveau-né dont on se sépare jusqu'au sevrage, par tradition ou par nécessité, sans avoir clairement conscience des dangers accrus qu'on lui fait courir pendant ces premières années. La fête familiale qui marque généralement le retour de nourrice est un témoignage de cet amour porté au petit.
Quant à l'abandon d'enfants, légitimes ou illégitimes, son augmentation constante au cours du XVIIIe siècle correspond à des causes diverses. La multiplication des institutions d'accueil a dû certes favoriser une pratique qui tend à se banaliser.
Mais celle-ci s'explique principalement, outre l'opprobre accablant la fille mère, par des raisons économiques : c'est la misère, surtout en période de crise, qui force femmes seules ou parents à abandonner leurs enfants, souvent avec l'espoir de les récupérer plus tard.
Dans de nombreux cas, mise en nourrice et abandon d'enfants n'excluaient donc pas pour autant l'amour maternel.